De meilleurs soins,des économies et une industrie de pointe en modernisant l’hôpital

« Série noire à l’hôpital » dans Challenges, « Les urgences hospitalières en surchauffe » dans Le Monde, « Vichy, les urgences de l’hôpital au bord de la rupture » sur FranceTVinfo, « Saint-Brieuc. Mais pourquoi les urgences de l’hôpital saturent-elles ? » dans Ouest-France. Mayotte, Paris ou Toulouse, le constat est unanime : l’hôpital implose, le personnel n’en peut plus, les urgences saturent, on pointe le manque de moyens et de personnel, l’Etat qui fait des économies et le nombre de lits qui diminue.  Et ce n’est pas spécifique à la France, évidemment, le problème se présente partout, sur tous les continents et généralement de manière encore plus prégnante qu’en France.

En fait, c’est contre-intuitif, mais il faut MOINS de personnel et MOINS de lits, parce que c’est ça qui surcharge les services…

C’est même violemment contre-intuitif

Il n’en reste pas moins que d’ajouter du personnel ne fait qu’augmenter exponentiellement la charge de travail. Plus de personnel, c’est plus d’infections nosocomiales, qui représentent aujourd’hui 5% des patients hospitaliers (moins que dans les autres pays, il faut le savoir), c’est plus de trafic dans les couloirs, c’est une asepsie moins maîtrisée, c’est plus de risques d’erreurs diverses, y compris de diagnostic, qui représentent déjà 30% des cas (et pour 30% des bons diagnostics, le traitement appliqué est inadapté).

In fine, il résulte de tout ceci que plus les services sont surchargés et plus il y a d’erreurs qui nécessitent d’être réparées, pas seulement médicales. Surutilisé, brutalisé, le matériel est mis à rude épreuve et manque, induisant du stress, source de nouvelles tensions. C’est un cercle infernal qui repose sur un constat unique : l’hôpital a un fonctionnement inadapté au développement technologique qu’il a connu en quelques décennies. La performance des soins a littéralement explosé alors que le fonctionnement des services, malgré l’intégration de ces nouvelles circonstances, reste fondamentalement identique à lui-même, à ce qu’il était il y a longtemps, trop longtemps.

La médecine a profondément évolué

Il y a 50 ans, sans soutenir qu’on allait à l’hôpital pour y mourir, la science médicale était telle que le séjour était long et douloureux et qu’on y mourrait prématurément quand même bien plus souvent qu’aujourd’hui. Les technologies et les connaissances disponibles faisaient que l’empathie et la patience soignaient le patient autant que la science médicale.

En quelques décennies l’état de l’art a littéralement explosé. On meurt moins, on guérit bien plus de choses. Grâce à des machineries qui valent des millions et des traitements high-tech, on survit des années, souvent avec une bien meilleure qualité de vie. Mais si ce progrès est humainement fantastique, tout ceci a un coût aussi bien financier qu’économique. Les coûts de la santé d’un individu au long de sa vie, à espérance de vie équivalente, sont infiniment supérieurs, parce que, aussi cynique cela soit-il, mourir ne coûte pas cher.

Notre société d’économie développée a fait le choix pertinent de placer l’humain au-dessus des contraintes que de le soigner peut engendrer. Il a été décidé de tout faire pour soigner au mieux, repousser les limites de l’espérance de vie et en France ça marche, on vit vieux et plutôt en bonne santé.

Nouveaux soins, nouvelles technologies, nouveaux problèmes

Les opportunités médicales se multipliant, de nouvelles questions émergent avec de nouvelles sources de problèmes. La gestion des flux de patients plus nombreux bénéficiant de soins plus complexes, les formations du personnel à l’équipement technologique et à la progression de la médecine au gré des avancées qui émergent exponentiellement.

Toute cette complexité exclut de plus en plus le hasard et impose une rigueur de plus en plus conséquente et difficile à maintenir en état de stress. Et ce d’autant que si les moyens financiers consacrés à la santé ont explosé, ils ont surtout servi à l’acquisition des nouvelles technologies et sont ainsi bien loin d’avoir suivi l’explosion des coûts, mettant sous pression économique les services.

Le stress physique s’ajoute au stress économique qui s’ajoute au stress psychologique, la fatigue s’installe, la tension monte…

Bien que le taux de bon diagnostic n’ait eu de cesse de s’améliorer au fil de l’Histoire de la médecine moderne, le champ de la connaissance s’étendant sans cesse il devient de plus en plus difficile pour un médecin de faire le choix devant le nombre d’options face à son patient. Il doit pourtant faire un choix et ainsi décider de la voie à suivre pour le traitement. 90% des pathologies diagnosticables aujourd’hui sont issues de découvertes du 20ème siècle. On est littéralement passé de « c’est une jambe cassée » en 1900 à un éventail de dizaines de milliers de possibilités qui changent considérablement la donne d’un point de vue cognitif pour le praticien. Au début du siècle il n’avait que le choix de se tromper le moins possible, sachant qu’il n’avait même pas de moyen de lutte contre les infections, alors qu’aujourd’hui il doit se tromper le moins possible pour faire coller le diagnostic à la diversité de traitements possibles efficaces.

Des bactéries tueuses

Le voyage lointain devenu trivial qui nous amène des superbactéries. L’abondance de médicaments désormais capables de sauver même lorsque la vie ne tient plus à grand-chose. L’utilisation massive d’antibiotiques et de produits d’entretien puissants. La présence quasi constante dans l’environnement d’antibiotiques en raison de l’élevage moderne. La multiplication des visites ou des séjours dans le cadre d’un traitement de longue durée. Tous ces composants récents de l’Histoire médicale sont à l’origine de nouvelles souches de bactéries, des « superbactéries » (venues d’ailleurs) et/ou « multirésistantes » (issues du milieu hospitalier). Eventuellement les mêmes que celles que l’on trouve chez soi, mais qui se sont adaptées à l’environnement hospitalier hostile pour elles. Ces bactéries mutantes qui se sont adaptées aux antibiotiques, deviennent si résistantes que les produits de nettoyage classiques ne leur font tout simplement rien, eau de Javel, solution de Dakin, ne sont au mieux pour elles que de vivifiants menus de petit déjeuner. Et plus on nettoie l’environnement et plus on tue de bactéries normalement résistantes, laissant la place aux souches mutantes qui peuvent alors s’épanouir tranquillement. Et ce d’autant que tout ne peut être aseptisé. Une sonde endoscopique, par exemple, est une caméra, qui ne résistera pas à la chaleur. On peut donc la stériliser, pas l’aseptiser.

Ainsi, trop de propreté, tue. Dans le tableau en page 6 de ce document on voit que des pays où les hôpitaux rutilent, comme en Suisse, en Norvège ou en Finlande, le taux de contamination nosocomiale est beaucoup plus élevé qu’en France où l’environnement est un peu moins entretenu. En Suisse, les hôpitaux sont conformes à l’idée de propreté décrite dans Astérix chez les Helvètes. On pourrait manger par terre… et c’est une erreur ! Le meilleur moyen de lutte contre les bactéries c’est d’avoir d’autres bactéries. De fait, un hôpital français un peu moins propre mais avec une science médicale de pointe obtient de meilleurs résultats que son équivalent rutilant ailleurs. Le contraire étant aussi vrai, évidemment, pas assez d’hygiène est contaminant. L’acharnement à la propreté est nocif de même que la négligence.

Et si plus aucun médicament ni aucun produit de nettoyage utilisable sans à avoir besoin de fermer l’étage durant une semaine pour que des type en scaphandre désinfectent tout et ensuite laisser le temps aux vapeurs de disparaître ne les tuent, eh bien ça nous donne grosso modo 4000 morts rien qu’en France chaque année et rien que de ces bactéries d’origine nosocomiale. Les bactéries, acquises par d’autres sources, par transfert depuis l’élevage, par exemple, font elles 12’000 morts. Le sujet est donc loin d’être anodin et le moindre pourcentage de baisse représente tout de suite un chiffre conséquent.

Il faut adapter les technologies des services aux technologies médicales

Le champ d’investigation pour l’optimisation du parcours de soins (et donc non pas seulement des coûts, mais aussi le confort du patient) est conséquemment très vaste. L’erreur de diagnostic entraîne le patient plus loin dans la maladie et la souffrance. Le traitement inadapté est susceptible d’ajouter de la pathologie à la pathologie. Une fois sur la bonne voie, le traitement pourrait être plus long et plus complexe que ce qu’il aurait dû être initialement. Et plus le séjour est long et fréquent à l’hôpital et plus le risque de contamination nosocomiale augmente et donc les risques pour le patient. Les gains économiques pour le système de santé sont en dizaines de milliards, mais aussi sur le monde du travail, sensible à l’absentéisme, la maladie de longue durée, le turn-over des salariés qui engendre une instabilité des compétences. Au niveau macro-économique, sans même parler de l’humain, l’optimisation, c’est vraiment beaucoup d’argent, c’est beaucoup de croissance en jeu.

Pour ce faire, il y a de quoi intervenir à plusieurs niveaux. Il faudrait automatiser la prise en charge, fournir des moyens technologiques avancés aux personnels en place, comme des robots pour les prises de sang et l’implantation des perfusions. Où un robot met 15 secondes sans aucune douleur dans des conditions d’asepsie optimales, l’infirmier met plusieurs minutes, tapote, tâtonne, éventuellement fait mal et pendant ce temps il ne fait pas autre chose pour son patient. De même pour l’installation informatique. J’étais aux urgences il y a une semaine, le logiciel qui tournait sur l’ordinateur, je me serais cru en 98… un tableau catégoriel avec des tas de fiches, de sous-fiches, d’onglets… pour trouver l’information, là encore au bas mot une minute en râlant. 4 ou 5 personnes l’ont utilisé avec divers comportements : « excusez-moi, l’ordi est un peu lent », « pfff, il a de la peine ce soir », « voyons voir, c’est où ? »…

Il faut moderniser tout ça, le rendre automatique. A l’accueil, on devrait entrer, on plante sa Carte Vitale dans une machine, une porte s’ouvre, on introduit son bras, prise de sang et pose d’un bracelet avec une puce RFID intégrée en moins de 10 secondes et sans aucune douleur, on ne sent même pas la piqûre. On récupère sa carte et on passe au guichet devant l’infirmière de pré-tri. Lorsque c’est notre tour, on est appelé, comme aujourd’hui, pris en charge par le personnel comme aujourd’hui, pour des raisons d’empathie. A chaque arrivée dans un box, l’ordinateur détecte le bracelet du patient et toutes les données accessibles du patient s’affichent à l’écran, sans aucune intervention. Si l’infirmier doit poser une perfusion, il avance la machine à perfusions qui va implanter l’aiguille et s’occupe de son patient, sa blessure, sa pathologie, ses médicaments puis il range la machine. A cette étape c’est au moins 5 minutes de gagnées. S’il y a 100 patients dans la journée, rien qu’avec ces 5 minutes, ça représente déjà un équivalent temps plein de compensé. Un emploi pour 100 patients rien qu’avec ces mesures simples.

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Et ça sans compromission sur le contact humain et moins de stress pour le personnel et moins d’attente pour le patient avec une meilleure qualité de prise en charge !

Du côté du médecin, déjà aujourd’hui un ordinateur de diagnostic laissé seul avec un patient fait mieux qu’un médecin, l’ordinateur, seul avec le patient, fait 80% alors que le médecin fait 70%. Les deux ensemble frisent les 100%. Et réduire le taux d’erreur de diagnostic, c’est une économie considérable pour la Sécu, c’est moins de patients à traiter, c’est moins de souffrances pour la population. C’est des séjours de moins longue durée, donc moins de risques de contamination et moins de coûts, plus de confort.

L’explication en est simple : l’ordinateur est capable d’explorer des milliers de voies instantanément. Le médecin constate un symptôme, l’ordinateur est capable de comparer des milliers de pathologies susceptibles d’y correspondre, à vitesse informatique, y compris celles auxquelles le médecin n’a jamais été confronté. L’ordinateur est aussi capable de poser des questions que le médecin n’aurait pas forcément eu l’idée de poser. Les compétences du médecin sont ainsi exploitées à leur maximum.

En optimisant ainsi, à tous les niveaux, on peut d’un côté facilement gagner 20 minutes par patient tout en ayant un meilleur contact humain avec lui et de l’autre générer une industrie de pointe pour fabriquer ces machines. Rien que l’optimisation permettrait une économie d’au moins 30 milliards. Et on pourrait alors sans problème diminuer sensiblement le taux de personnel et donc désengorger les hôpitaux.

Des possibilités externes de modernisation existent aussi

On peut aussi développer l’hospitalisation à domicile, qui a l’avantage de générer de nouveaux secteurs. Un tiers des patients hospitalisés n’a rien à faire à l’hôpital, parce qu’il ne reçoit aucun soin qui nécessite une infrastructure hospitalière. Si nécessaire un lit médical est fourni, mais les soins sont apportés par du personnel infirmier libéral. Et ce d’autant qu’il est envisageable d’augmenter aisément les prérogatives du personnel infirmier, qui ne sont pas éloignées de celles du médecin. Le système existe depuis la nuit des temps et fonctionne parfaitement, il n’est donc pas à créer, juste à développer. Le patient à domicile prend moins le risque d’une infection nosocomiale, il est dans son environnement, son intimité et n’occupe pas inutilement des infrastructures très coûteuses.

Enfin, on peut aussi développer la cabine de santé et/ou de soins, en télémédecine, ce qui nous ouvre de nouvelles perspectives. Les pharmacies ferment les unes après les autres dans les campagnes. Bien qu’aujourd’hui elles ne remplissent plus de rôle particulier qui ne pourrait être dématérialisé, leur maintien offre des avantages sociaux considérables. La pharmacie est apparue avec la médication chimique. Les pharmaciens fabriquaient alors leurs propres médicaments et aujourd’hui encore bien des produits sont issus de cette époque. Aujourd’hui, les pharmacies ne sont plus que des « épiceries à médicaments ». Bien sûr, elles distillent du conseil, mais rien qui ne justifie une présence physique, de la téléconférence le ferait aussi. Néanmoins, elles sont un repère social, une infrastructure villageoise rassurante, leur maintien est donc avantageux sociétalement. Des cabines de santé dans les pharmacies, raccordées à une centrale de médecins payés par un organisme appartenant aux pharmaciens, ce qui pérenniserait leur implantation en limitant leur risque de faillite par la diversification, leur apporterait un nouveau rôle. A côté de la possibilité de vacciner et de réaliser des bilans de médication, la possibilité de soigner la bobologie en télémédecine ferait d’elles un support médical performant qui mettrait tout simplement fin à la désertification médicale.

Et de surcroît ce concept générerait un nouveau marché avec le déploiement de la télémédecine et la fabrication de ces cabines de santé, donc de nouveaux emplois de bonne qualité. Une industrie de pointe à très forte valeur ajoutée exploitant des technologies dans lesquelles la France est championne du monde.

Il y a 6000 pharmacies qui ont fait faillite ces dernières années dans les campagnes, faute de débouchés. Alors que les infirmières libérales sont saturées et les cabinets médicaux ainsi que les urgences sont saturés. La réponse se trouve dans la télémédecine. Comme avec un dispositif de télémédecine, un médecin peut répondre à plusieurs patients à la fois, la performance est là. Aujourd’hui, on compose le 15 pour être conseillé et orienté, avec la cabine de santé, on pourrait être directement soigné. Aujourd’hui, vous appelez le 15, on vous oriente vers l’hôpital ou le généraliste, l’intervention est donc perdue si le médecin qui vous a répondu avait eu l’opportunité de vous soigner directement au lieu de vous envoyer saturer le cabinet médical à des kilomètres de là. Vous entrez dans la cabine de soins, au lieu de vous orienter, le médecin vous aide à établir le diagnostic et soit il vous oriente vers votre généraliste ou l’hôpital, soit il émet une ordonnance qui est directement transmise au comptoir de la pharmacie. Le temps que vous sortiez de la cabine votre ordonnance est prête sur le comptoir. La pharmacie pourrait également avoir un robot de préparation, comme j’en ai vu en Suisse. Ce qui permet d’avoir moins de personnel et donc de réduire les charges pour renforcer également la stabilité de la pharmacie.

Une autre solution serait de ne pas tomber malade avec la médecine prédictive, rendue possible par l’intelligence artificielle.

Diminuer le numerus clausus pour soulager les urgences

Pour avoir des médecins en campagne, il suffirait de créer un second numerus clausus, au-dessous de celui existant, dédié aux campagnes. Concrètement, le numerus clausus principal est réduit au nombre nécessaire de médecins en zone urbaine. Deux voies s’ouvrent alors pour devenir médecin, selon des règles à établir, par sélection à l’examen ou volontairement. Celui qui choisit le numerus clausus principal s’installera librement où il veut et fera la spécialisation qu’il souhaite. Celui qui opte pour le numerus clausus complémentaire ne peut s’inscrire que moyennant l’obligation de s’installer sur un territoire librement choisi sur une liste préétablie en fonction des besoins. En échange, l’Etat pourrait le rémunérer durant ses études et ensuite lui garantir un revenu confortable une fois installé. De sorte que les études médicales seraient alors plus accessibles ce qui réduirait l’inégalité au passage.

Cela dit, je n’aurais rien contre le fait qu’on autorise plus d’actes à nos infirmiers-ères qui sont bien formés-es, mais de manière purement libérale, sans aucun objectif de suppléer aux médecins, juste pour libéraliser la profession et reconnaître ses capacités, ce qui la valoriserait.

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